Au pays où coulent le lait artificiel et le miel végane

On le qualifie souvent de start-up nation, mais Israël pourrait aussi être la foodtech nation. Ici, les innovations en alimentation et en agriculture poussent plus vite que les oliviers. Du désert du Néguev à la Galilée en passant par Tel-Aviv, une reporter de Heidi.news est partie voir (et goûter, parfois) ce à quoi pourrait ressembler, demain, nos assiettes et nos champs.

Vue aérienne d'un drapeau géant d'Israël dans le désert près de la mer Morte, le 25 novembre 2007. | Keystone/EPA/Jim Hollander
Vue aérienne d'un drapeau géant d'Israël dans le désert près de la mer Morte, le 25 novembre 2007. | Keystone/EPA/Jim Hollander

Il y a quelques semaines, j’étais dans le désert du Néguev, en Israël. Le regard n’est pas muré par les Alpes ou le Jura, il s’ouvre sur une étendue sans fin. Là-bas trône une tour de métal… La tour photovoltaïque d’Ashalim, la plus haute du monde, dont la lumière vous crève la rétine. «L’œil de Sauron», comme disent les locaux en référence au Seigneur des Anneaux.

Deux-cent quarante mètres, 50'000 miroirs, et la promesse d’apporter l’électricité en abondance à des milliers de foyers. Bref, un projet qui en dit long sur la volonté du petit pays au bord de la Méditerranée d’éclairer le monde et d’en dessiner l’avenir.

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La tour photovoltaïque d’Ashalim, dans le désert du Néguev en Israël. | Heidi.news/NS

Quel rapport avec le futur de nos assiettes, mon sujet du jour? Ces technologies de l’alimentation, la foodtech, ont quelque chose de ce phare en plein jour. Fascinantes, ces prouesses techniques font miroiter un avenir meilleur, plus durable, plus en phase aussi avec le bien-être animal.

Une corne d’abondance 2.0

Du Néguev à la Galilée en passant par Tel-Aviv, j’ai vu – et parfois goûté – des œufs au plat véganes, des imprimantes 3D à viande, des pommes de terre qui servent aussi d’usines à protéines, des vignes qui poussent en plein désert.

J’ai grandi dans un village agricole en Bourgogne où l’on compte plus de vaches que d’habitants, et où la terre façonne les rêves et les destins. Je suis partie en Terre promise à la fois curieuse et sceptique de ces aliments sortant des laboratoires et dont on prêche à l’envi les mérites.

Tu fertiliseras le désert

Mon voyage a duré deux semaines, mais j’aurais pu rester deux mois sans réussir à faire le tour des 600 entreprises du secteur qui ont drainé 850 millions de dollars en 2022. Disons-le, l’inventivité parfois délirante et les prouesses techniques accomplies dans les labos aseptisés d’Israël sont assez bluffantes.

Il faut dire que préparer le futur des champs et des assiettes est une quête séculaire. David Ben Gourion, père fondateur de l’Etat hébreu, construisait déjà en 1944 le narratif des hommes de désert juifs dont les «possibilités scientifiques et les (…) moyens techniques (…) montreront la voie pour fertiliser la terre aride et transformer le désert en pays habitable.»

La chute de la parabole

Revenons à l’œil de Sauron. Quatre ans après sa construction, la tour d’Ashalim est un échec cuisant. Achevée à grand-peine, cette tour de Babel produit une électricité trop chère au regard des prix du marché, s’attirant la grogne des habitants.

J’y vois une mise en garde pour la foodtech. Gare à la folie des grandeurs, aux fausses promesses et aux déceptions coûteuses. Qui aura accès à ces innovations agroalimentaires et agricoles? Ces produits vont-ils vraiment remplir les rayons de nos supermarchés? Les consommateurs sont-ils prêts au grand saut d’une viande sortie d’une imprimante 3D? Et les agriculteurs, les vrais, dont on ne parle pas assez, seront-ils remplacés?

C’est ce que j’ai essayé de savoir au gré des rencontres, dans un bus à Tel-Aviv, sur un campus à Rehovot, ou dans un moshav en Galilée, en ramassant des brocolis.

Que vous soyez affamés d’innovation ou allergiques à ces drôles d’assiettes qu’Israël vous prépare, que vous soyez convaincus ou pas par ces tentatives lucratives de décarboner votre alimentation, cela nous concerne tous. Car l’ambition des campus et des start-up que j’ai explorés est bien de nourrir 10 milliards de Terriens de manière saine et durable.