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Bio, diversifiées, locales: les microfermes veulent révolutionner l'agriculture suisse

Elles se veulent le symbole d’une agriculture à taille humaine, plus respectueuses de la nature et d’une forme de sobriété: les microfermes explosent en Suisse. Ils sont déjà quelques centaines d’agriculteurs en Suisse à incarner ce modèle, plébiscité des consommateurs, qui prend le contrepied des grandes exploitations modernes. Et les microfermiers sont en train de s’organiser pour peser dans le paysage.

La Ferme de Budé, un exemple de microferme dans le canton de Genève. L'installation en milieu urbain n'est pas rare pour ces exploitations à taille humaine, très intégrées à leur environnement immédiat. | Keystone / Salvatore Di Nolfi
La Ferme de Budé, un exemple de microferme dans le canton de Genève. L'installation en milieu urbain n'est pas rare pour ces exploitations à taille humaine, très intégrées à leur environnement immédiat. | Keystone / Salvatore Di Nolfi

Cuisinier avant d’être maraîcher, Raphaël Gétaz a toujours su que «le goût serait au centre de tout». Formé notamment auprès du triple-étoilé Alain Passard, l’homme s’est initié au maraîchage avec un voisin à son retour en Suisse, avant de créer en 2017 Les Jardins de Chivrageon, sur les hauts d’Aubonne (VD). Il y cultive en biodynamie quelque 250 variétés, souvent anciennes, rares ou originales, dans une exploitation de la taille d’un mouchoir de poche (à peine 2 hectares), prolongée désormais par une exquise table d’hôtes.

Pas très loin de Chivrageon, dans la campagne genevoise, Alexandre, Antoine et Julien ont eux aussi des parcours contrastés – études de russe, d’horticulture ou cursus d’ingénieur agronome – avant de lancer leur propre projet d’agriculture contractuelle. Ils dénichent à Avully un terrain de l’Etat déjà labellisé Bio Suisse et y installent dès janvier 2019 une joyeuse diversité de légumes et quelques poules de races anciennes. Ainsi naît la Ferme du Sonneur, baptisée en clin d’œil au rare crapaud sonneur à ventre jaune qui se plaît sur les bords du Rhône.

Quant à Yaëlle Maye, entre-temps secondée par son compagnon, elle a eu le déclic lorsqu’elle a perdu son emploi. Cette jeune horticultrice, agricultrice, et apicultrice a lancé sa ferme bio à Château-d'Œx, à 900 mètres d’altitude, entre Gruyère et Pays d’Enhaut. Le Potag’Oex, cette «oasis de biodiversité» à 900 mètres d’altitude, associe les plantes aromatiques et les légumes, les abeilles et les poules pondeuses, les infusions et les sels aromatisés…

Raphaël, Yaëlle et le trio genevois incarnent et résument bien la nouvelle génération à l’origine des microfermes dans notre pays. Parce qu’ils sont souvent issus d’autres horizons, venus du tertiaire ou diplômés de hautes écoles, «néo-ruraux » pour certains. Parce qu’ils sont pétris de convictions et d’éthique, motivés à révolutionner l’agriculture grâce à des pratiques vertueuses, biologiques, biodynamiques, inspirées de la permaculture, d’un zeste d’agroforesterie. Le tout sur des microsurfaces, dont ils ne sont que très rarement propriétaires, avec un minimum de mécanisation pour un maximum de travail manuel et de valeur ajoutée.

Et c’est quoi, une microferme?

On peut estimer que la Suisse romande compte une centaine de microfermes et la Suisse alémanique le même nombre, estime David Bichsel, auteur d’une étude sur le sujet et président d’une Association suisse des microfermes nouvellement créée.

De quoi s’agit-il? En matière de culture, ces ministrusctures font beaucoup de maraîchage (culture de légumes diversifiés), mais l’offre se veut inventive: les vergers et l’agroforesterie, l’aquaponie et la culture de champignons, l’herboristerie, la valorisation des produits et les activités liées, traiteur, boulangerie, fromagerie ou restauration, les chambres d’hôtes ou les démarches pédagogiques, l’élevage de cochons laineux et autres moutons shropshire… Sans oublier quelques distilleries tout à fait étonnantes, comme Gagygnole à Souboz.

Les microfermes poussent en plaine ou en montagne, en zone urbaine ou loin des villes et se nomment de manière volontiers poétique – La Clef des Champs, La Belle Courgette, Le Panier bio à 2 roues, Rage de vert, La Chèvre et le Chou… Certaines d’entre elles arborent le label Terre durable, créé en 2019. Leur forme juridique, elle aussi, est multiple: coopérative de producteurs ou de consommateurs, association, SARL, société en raison individuelle ou entrepreneur indépendant, alors que le nombre de collaborateurs ou employés est généralement modeste.

Ce n’est pas que la taille qui compte

La définition des microfermes reste toutefois assez vague, voire mouvante, relève Delphine Piccot, qui planche notamment sur le sujet dans le cadre de la section dédiée, créée récemment au sein de Proconseil, filiale de Prométerre, et d’un projet financé par l’OFAG. Pour David Bichsel, la taille de l’exploitation est certes un critère (pas plus de 5 hectares) mais ce n’est pas le seul. Le nombre d’employés, les quantités produites, le nombre de consommateurs concernés ou le chiffre d’affaires pourraient aussi être pris en compte.

Certains experts proposent de mettre en relation la surface cultivée et le nombre d’exploitants. On obtient alors un ratio dix fois inférieur aux fermes classiques, qui allouent en moyenne une personne à temps plein pour 13,4 hectares. La microferme requiert davantage de main d’œuvre mais compense en générant des revenus supérieurs aux exploitations classiques. On peut parler de cultures à forte valeur ajoutée, s’agissant en particulier de maraîchage biologique.

A cela s’ajoute le recours à la vente directe dans la quasi-totalité des cas, via un système d’abonnement, de la vente sur les marchés et parfois un magasin à la ferme. Pour David Bichsel il faudrait enfin ajouter à cette définition la notion de diversité des cultures, avec au minimum 30 types de légumes – et souvent beaucoup plus.

Les chantres du retour en avant

En Suisse comme dans d’autres pays voisins, l’agriculture connaît un double mouvement. D’abord, une concentration: les grosses exploitations, de plus de 30 hectares, sont en augmentation. Mais en parallèle, le nombre de petites structures, avec environ 1 hectare de terres cultivées, est en train de s’envoler. Comment expliquer ce phénomène?

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