La Suisse détient-elle plus de Nobel parce qu’elle mange beaucoup de chocolat? [VIDEO]

Michel Mayor et Didier Queloz, derniers prix Nobel suisses récompensés en 2019 pour leur découverte de la première exoplanète, sont-ils des grands mangeurs de chocolat? Selon une étude (bidon, vous allez voir), on pourrait faire un lien entre prix Nobel, et gourmandises chocolatées.

Fait No. 1: la Suisse est parmi les pays qui comptent le plus de prix Nobel par habitant. Fait No. 2: la Suisse est aussi parmi les pays qui mangent le plus de chocolat. Conclusion: manger du chocolat fait-il gagner des prix Nobel?

Pas de place au doute: manger du chocolat ne rend pas plus intelligent, ni ne permet d’amadouer le jury des Nobel. En 2012 est pourtant publiée une étude dans le prestigieux New England Journal of Medicine, élaborant le lien entre ces deux phénomènes. Ce que vous voyez là, ce sont deux variables auxquelles on a essayé de faire dire quelque chose qu’elles ne disent pas. C’était d’ailleurs toute l’intention du Dr Franz Messerli, auteur de cette étude pince-sans-rire, que de brocarder cette erreur commune. Elle se laisse ainsi résumer:

«Corrélation n’est pas causalité».

L'expression «corrélation n'est pas causalité» est un principe fondamental en statistiques qui signifie, en fait, que le simple fait d'observer une relation entre deux variables ne signifie pas nécessairement qu'une de ces variables est la cause de l'autre.

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Quelques exemples. Des liens étranges entre deux données, il y en a plein. Par exemple: lorsque les ventes de crème solaire augmentent, le nombre de noyades dans les piscines augmente également. Doit-on conclure que la crème solaire rend les gens plus enclins à se noyer? Absolument pas! D’ailleurs, des chercheurs belges ont reproduit le même genre de recherches: plus un pays a de magasins Ikea, plus il a de chances d’héberger des lauréats de Nobel.

Comment on prouve le lien entre deux faits. Il y aurait plein de manières de démontrer un tel lien entre deux données, et même si elle n’est pas tout le temps applicable, en voici une:

  1. On pourrait faire appel à un échantillon de personnes pour faire ce qu’on appelle un essai contrôlé randomisé. On rassemble des jeunes Suisses ayant des profils diversifiés et on les divise en deux groupes.

  2. A l’un, on leur donne du chocolat, du suisse ou pas d’ailleurs.

  3. Au deuxième groupe, on leur fait croire qu’on leur donne du chocolat. Détail important: ils ne doivent pas savoir que ce n’en est pas, et ils ne doivent pas savoir ce qu’on essaye de prouver pour éviter tout effet placebo.

  4. Quelques années plus tard, en fonction du nombre de prix Nobel dans nos échantillons de personnes, on pourra déterminer si le chocolat a fait gagner des prix.

  5. Pour légitimer ces résultats, il faudra ensuite reproduire cette expérience avec un autre groupe.

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Toutefois, dans la majorité des cas, cette expérience n’est pas faisable. Parfois, deux événements peuvent être liés au hasard, sans qu'il y ait un lien de cause à effet. Alors, si on veut vraiment vérifier les liens entre deux variables, on peut se tourner vers les critères de Bradford Hill. Ces critères aident les chercheurs à examiner de manière critique la preuve disponible pour déterminer si une corrélation cache un lien effectif de cause à effet. On analyse par exemple la temporalité, la cohérence et le caractère plausible.

Comment expliquer que la Suisse domine les Nobel et la consommation de chocolat? Deux hypothèses plausibles: soit les scientifiques sont de grands gourmands, soit nous avons tendance à manger plus de chocolat dans les pays riches et développés, et c’est dans ceux-là que nous avons:

  • un meilleur niveau d'éducation,

  • une recherche scientifique plus développée,

  • une innovation qui attire les talents étrangers

  • et de meilleurs investissements dans la recherche.

Mais la science, c’est bien sûr beaucoup plus compliqué. Parfois, on ne peut pas tout démontrer.