Viols, bagarres et suicides: les ravages de la drogue chez les saisonniers du ski

Témoignages de médecins, infirmiers, pompiers, policiers… Ce sont eux qui récupèrent et parfois sauvent les employés des stations victimes de la coke. Ils constatent chaque jour une banalisation de la violence dans les stations de ski et observent, impuissants, une spirale autodestructrice, dans les Alpes suisses comme françaises. 

Préparation d'un rail de cocaïne sur un téléphone, à l'aide des cartes magnétiques d'une station de ski française. | DR
Préparation d'un rail de cocaïne sur un téléphone, à l'aide des cartes magnétiques d'une station de ski française. | DR

Les récits se ressemblent tous. Que ce soit à Verbier ou Crans-Montana en Suisse, à Courchevel, Megève, Avoriaz, Morzine, Les Gets, La Clusaz ou Chamonix en France… Monique Armandet, médecin du travail et addictologue à Annemasse, à côté de Genève, les écoute depuis des années. Elle accompagne les habitants, les artisans et les travailleurs de la montagne. Pour elle, toutes ces histoires de stupéfiants , enfouies par honte ou par peur, réveillent parfois de lourds traumatismes chez ses patients saisonniers, une fois la saison terminée. Leurs proches, leurs collègues, leurs patrons sont souvent les victimes collatérales de ce drame.

Ne manquez pas l’épisode suivant de cette enquête: Sniffez, vous êtes filmés: ce que les caméras des stations de ski montrent de la cocaïne

Au commencement, il y a l’alcool. Il coule à flots dans les stations. Pour preuve: certains établissements, pourtant ouverts que quelques mois dans l’année, sont classés parmi les premiers débits de boissons en France. Comme en ville, refuser un verre devient presque une provocation. «À l’époque, on avait les vieux alcooliques qui buvaient en permanence, tous les jours de l’année, explique Monique Armandet. Aujourd’hui, les jeunes ne se considèrent pas comme alcooliques puisqu’ils boivent de grosses quantités, qu’une à deux fois par semaine».

Génération Alzheimer

Dans son cabinet, elle tente de faire de la prévention. «La gueule de bois, c’est le moment où un des neurotransmetteurs de notre cerveau, activés par l’alcool, commence à détruire des milliers de neurones. Cette nouvelle génération va finir avec des Alzheimer précoces. Ils se bousillent le cerveau», déplore l’addictologue.

Lire aussi le premier épisode (libre d’accès): En station de ski, un rail de coke et ça repart

Maud (prénom modifié), saisonnière depuis ses 16 ans, aurait pu être une de ses patientes. Pour elle, tout a commencé par les premières «bières de débauche», comme on appelle les pintes avalées au sortir du travail. «Je les voyais comme une récompense. La première saison, j’arrivais à rentrer sans boire un verre. Maintenant, je bois tous les jours, limite pendant le service pour supporter les clients». Dans les stations considérées comme «festives», c’est presque obligatoire. Clarence (prénom modifié), qui dirige sa propre équipe de restauration dans une station huppée: «Pour fidéliser, on devait boire des coups avec les clients. On nous encourageait à prendre des shots, pour être dans l’ambiance, pour oser vendre».

La coke des patrons

De festives, les soirées se font toxiques. Ajoutée à l’alcool, la cocaïne fait baisser l’ivresse mais débouche parfois sur de la violence banalisée, physique et psychologique. Les bagarres et les viols se multiplient, on va le voir.

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«Les consommateurs réguliers sont impulsifs, agressifs, ont des comportements abusifs, non-rationnels. Ils se croient tout permis car la cocaïne augmente leur estime de soi», confirme le Pr Daniele Zullino, chef du service d’addictologie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Maud a pourtant souvent été confrontée à des employeurs qui ne prennent pas ça au sérieux. «Ils savent qu’une grosse partie de leur équipe prend de la cocaïne au boulot. Ils en font même des blagues. Alors que ça crée beaucoup de conflits! Un soir, un des employés a pété un plomb, il n’était plus lui-même tellement il en avait pris, j’ai eu vraiment peur», confie-t-elle.

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