A quoi ressemble l'histoire de l'Amérique vue par Trump?

«Nous devons débarrasser nos écoles et nos salles de classe de leurs tissus de mensonges tordus, et enseigner à nos enfants la superbe vérité sur notre pays.» Ainsi s'exprime Donald Trump, sur la question épineuse du récit national américain. Dans un pays où la guerre de Sécession est devenu un enjeu mémoriel majeur, le candidat à la présidentielle entend bien promouvoir SON histoire d'une Amérique blanche comme neige, où l'esclavage et la ségrégation raciale ne sont pas des sujets.

Trump après une conférence de presse destiné à évoquer les émeutes de Charlottesville, le 12 août 2017 à Bedminster (New Jersey). | Keystone / AP Photo / Pablo Martinez Monsivais
Trump après une conférence de presse destiné à évoquer les émeutes de Charlottesville, le 12 août 2017 à Bedminster (New Jersey). | Keystone / AP Photo / Pablo Martinez Monsivais

L’automne dernier, dans une petite fonderie du sud des Etats-Unis, la tête du général Robert E. Lee, chef des armées confédérées durant la guerre de Sécession, a été enfournée à plus de mille degrés. A mesure que la température montait, son visage s’est paré d’une lueur rougeoyante tandis que les craquelures sur ses joues de bronze se sont muées en de sombres cascades de larmes. Il ne resta bientôt plus rien de la statue équestre de Robert Lee qui avait trôné à Charlottesville (Virginie) jusqu’en 2021.

Quatre ans plus tôt, la perspective de son retrait avait généré un tourbillon de manifestations et de contre-manifestations, dont la désormais fameuse marche d’extrême-droite «Unite the Right» . La municipalité a fini par déboulonner la statue pour la confier à un musée local consacré à l’histoire des Noirs américains. Le projet, baptisé «De l'épée à la charrue», prévoyait de réutiliser le bronze pour fabriquer un nouveau monument, qui soit «plus en phase avec les valeurs d’inclusivité et de justice raciale» de la ville.

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La fameuse statue de Robert E. Lee a été cachée par une bâche, avant d'être déboulonnée et refondue. Charlottesville (Virginie), le 23 août 2017. | Keystone / AP Photo / Steve Helber

En regardant le visage de Lee couler comme un mini-soleil dans l’espace sombre de l’atelier, j’ai pensé au commentaire de Donald Trump lorsque la statue a été démontée. «Beaucoup de généraux considèrent Robert Lee comme le plus grand stratège de tous», a déclaré l’ancien président, qui n’en était pas à sa première louange au général confédéré. Le message implicite vis-à-vis de sa base était clair: ils sont venus pour Lee, la prochaine fois ce sera pour vous. On comprend pourquoi la refonte s’est faite en catimini, dans un endroit tenu secret: les ouvriers craignaient pour leur sécurité.

Le mythe de la Cause perdue

L’affirmation selon laquelle le général Lee était un brillant stratège relève un peu du mythe de la Cause perdue, lui aussi largement déboulonné par les historiens. (C’est-à-dire l’idée que les Etats sudistes luttaient pour leur autonomie et leur liberté, et pas pour maintenir l’esclavage, ndlr.) Il convient toutefois de s’interroger sur les raisons qui ont conduit Trump à faire l’éloge d’un homme engagé dans une guerre destinée à maintenir et à étendre le système esclavagiste.

Robert Lee lui-même était un propriétaire d’esclaves, qui torturait ceux qu’il plaçait en servitude. Un homme rapporte ainsi (Wesley Norris, dans le New York Tribune en 1859, ndlr.) que celui-ci «ne se contenta pas d’avoir lacéré notre chair à vif, mais [qu’il] ordonna au surveillant de répandre de la saumure sur nos dos». Le général sudiste a aussi déclaré que l’esclavage profitait aux Afro-Américains, le jugeant «nécessaire à leur instruction en tant que race».

La nostalgie comme moteur

Donald Trump n’est pas un étudiant en histoire, encore moins militaire. Mais il sait très bien quel signal il envoie à ses partisans en soutenant Lee, considéré par bon nombre d’entre eux comme un champion de la chrétienté sudiste, masculine et blanche. La nostalgie d’un passé où les hommes blancs chrétiens accaparaient le pouvoir politique a toujours été au cœur de l’attraction exercée par l’ancien président. Son slogan le plus emblématique, «Make America great again», est la promesse sans ambiguïté de rétablir cet ordre des choses.

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