Genève adopte un droit à l'intégrité numérique avec près de 95% de oui

Le Conseil d'Etat genevois estime désormais avoir un mandat clair pour défendre l'intégrité numérique de la population genevoise. Une première dans le domaine des droits fondamentaux dans le domaine du numérique.

Le drapeau de Genève flottant sur le Léman. | Keystone / Jean-Christophe Bott
Le drapeau de Genève flottant sur le Léman. | Keystone / Jean-Christophe Bott

Les Genevois ont accepté à 94,21% de oui d’inscrire dans leur constitution cantonale le droit à l’intégrité numérique. C’est une première en Suisse et dans le monde. Ce nouvel article constitutionnel postule que «toute personne a droit à la sauvegarde de son intégrité numérique».

Pour Jean-Pierre Pasquier, député libéral-radical à l’origine de l’initiative parlementaire, l’ampleur du résultat montre que la population a parfaitement compris l’enjeu. «L’actualité de ces derniers jours, avec des cyberattaques russes dirigées contre la Suisse, montre l’importance des enjeux numériques».

De quoi on parle. Ce droit à l’intégrité numérique s’inscrit en parallèle d’autres droits fondamentaux déjà protégés par la constitution: l’intégrité physique et psychique. L’article voté par les Genevois ne se limite pas à consacrer ce nouveau droit, mais esquisse aussi quelques éléments qui doivent être pris en compte dans son application.

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L’article précise que «l’intégrité numérique inclut notamment le droit d’être protégé contre le traitement abusif des données liées à sa vie numérique, le droit à la sécurité dans l’espace numérique, le droit à une vie hors-ligne ainsi que le droit à l’oubli». Par ailleurs, l’Etat ne peut traiter des données personnelles à l’étranger que dans la mesure où un niveau de protection adéquat est assuré.

Enfin, les autorités sont tenues de favoriser l’inclusion numérique, de sensibiliser la population aux enjeux du numérique et de s’engager en faveur du développement de la souveraineté numérique.

Des adaptations de lois à venir. Que donnera concrètement l’adoption de ce nouveau droit à l’intégrité numérique? C’est la question désormais ouverte. Le député Jean-Pierre Pasquier explique que certaines lois existantes vont être modifiées pour tenir compte de ce changement constitutionnel. A l’exemple de la Loi sur la police. Selon l’élu:

«Le but est de donner des moyens aux forces de l’ordre en matière de cybersécurité, pour garantir le respect de ce nouveau droit fondamental.»

Selon Carole-Anne Kast, conseillère d’Etat en charge du Département des institutions et du numérique, le résultat des urnes est «relativement spectaculaire» et démontre l’intérêt de la population pour ces «transformations extrêmement rapides» liées aux nouvelles technologies.

Le Conseil d’Etat estime que cet article constitutionnel lui donne un mandat clair pour protéger l’intégrité numérique des Genevois. Selon Carole-Anne Kast, il faudra désormais ancrer cette nouvelle norme dans la pratique ainsi que dans la jurisprudence. Le gouvernement genevois s’en réjouit, dans la mesure où ce droit inédit rejoint les lignes directrices évoquées dans le discours de Saint-Pierre de la législature 2023-2028 en matière de numérique.

Une discussion plus large. Le droit à l’intégrité numérique fait l’objet de différentes démarches dans d’autres cantons (Neuchâtel, Vaud, Valais et Jura) et sur le plan fédéral, avec une initiative parlementaire déposée par le conseiller national Samuel Bendahan.

Jean-Pierre Pasquier s’attend pour sa part à ce que ces cantons suivent le mouvement initié par Genève. La constituante valaisanne a adopté le droit à l’intégrité numérique dans son projet de réforme, et les Valaisans devraient voter sur cette nouvelle constitution en 2024. S’ils l’adoptent, le Valais deviendrait ainsi le deuxième canton à consacrer le droit à l’intégrité numérique.