Pablo Servigne: «Quoi que je fasse, ma vie sera un échec»

Dans ce deuxième épisode de notre podcast Faux-pas, l'ingénieur agronome Pablo Servigne nous raconte sa vision des ruptures de dialogue, au coeur de l'effondrement de la société. Un échec collectif.

«Quoi que je fasse, ma vie sera un échec.» Dans Faux-pas, podcast produit par Heidi.news, on parle d’échec personnel, d’échec collectif, mais surtout de ce que l’on en fait. Derrière chaque réussite se cachent plusieurs échecs. Pour certains, ils n'existent pas, ils font partie de l'apprentissage et de la voie vers le succès. Pour d'autres, ils sont aussi civilisationnels.

L’invité. Pablo Servigne est connu du grand public depuis 2015 et ses publications autour de la théorie de la collapsologie, selon laquelle notre civilisation serait vouée à s’effondrer. Un échec majeur de la société? En 2022, il a publié L'Effondrement (et après) expliqué à nos enfants... et à nos parents (éd. du Seuil), co-écrit avec Gauthier Chapelle.

Ouvrage dans lequel il dresse un échec collectif de la société, notamment sur le dialogue entre générations, au milieu de théories d’effondrement de la société. Trois chapitres pour trois différentes générations:

«C’est le reflet d’une cassure, il y a quelque chose qui se joue entre les générations. Ce livre est écrit pour maintenir les liens entre elles.»

Un échec du dialogue? Totalement, pour Pablo Servigne:

«On a de la peine à dialoguer entre générations. Il y a aussi eu la crise du Covid, celle des Gilets jaunes en France… Parler d’effondrement possible, en famille, c’est souvent des drames, des couples se brisent là-dessus aussi.»

Dans sa propre communication autour de la collapsologie, il se souvient également d’erreurs dans la manière de présenter ses sujets:

«Pendant nos conférences publiques, on essayait d’être très rigoureux, avec des chiffres, les derniers rapports. Mais plus nos présentations étaient parfaites, plus le public était livide, décomposé. A chacune de mes conférences, une personne se fâchait ou partait en pleurant.»

Quelques années plus tard, il analyse: «C’était une erreur de ne pas prendre soin des personnes en face, ainsi que de nous-mêmes. On était en dépression, atteints d’éco-anxiété.»

Le paradoxe de Bison Futé. Au moment de revenir sur l’échec ultime, celui qu’il portera toute sa vie, Pablo Servigne théorise sur «le paradoxe des prédictions d’embouteillages de Bison Futé»:

«Quand Bison Futé prévoit un samedi noir, c’est une prédiction auto-réalisatrice. On dit aux gens de ne pas prendre la voiture le samedi parce qu’il risque d’y avoir des bouchons, donc les gens ne prennent pas la voiture le samedi et il n’y a pas d’embouteillages. Bison Futé a échoué dans leurs prédictions, mais a réussi à éviter les bouchons.»

«S’il n’y a pas de catastrophes, on m’accusera d’avoir raté mes prédictions, poursuit-il en s’appliquant ce paradoxe. Alors que s’il y a un effondrement, j’aurai échoué parce que mon rôle de lanceur d’alertes sera raté.»

Avant de terminer, fataliste tel un collapsologue: «Quoi que je fasse, ma vie sera un échec.»


Mixage audio: MEL Studio Paris.

Graphisme: Jessifer Art.