«La loi climat offre le cadre légal pour agir contre les changements climatiques»

Vers une loi-cadre pour sortir de la crise climatique? Thierry Largey, professeur associé en droit administratif et en droit de l’énergie à l'Université de Lausanne, partage son regard sur la loi climat sur laquelle la population votera le 18 juin prochain. Pour lui, elle pourrait offrir le socle légal nécessaire pour répondre à l'urgence de manière «cohérente et transversale».

Cérémonie et action en faveur de la loi climat au glacier de Morteratsch le 18  juin 2023. | Keystone / Gian Ehrenzeller
Cérémonie et action en faveur de la loi climat au glacier de Morteratsch le 18 juin 2023. | Keystone / Gian Ehrenzeller

Les changements climatiques sont déjà perceptibles, en Suisse comme ailleurs. Avec des étés caniculaires, des inondations ou encore des sécheresses hivernales, ils nous laissent face à un double constat. Non seulement est-il urgent d’agir, mais encore faut-il le faire de manière globale, cohérente et concertée.

Les petits pas et le chacun pour soi ne suffisent pas, même s’ils en donnent l’illusion. Ainsi, un cadre législatif performant, qui fixe les objectifs à atteindre et la manière de les atteindre, est nécessaire.

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Vers une loi-cadre pour le climat

La loi sur la protection du climat (LCl), sur laquelle le peuple suisse se prononcera le 18 juin prochain, s’affirme comme le socle légal qui doit permettre à la Suisse de respecter ses engagements internationaux en matière de climat, en organisant une réponse globale aux multiples enjeux des changements climatiques. Elle permet à la Suisse de se conformer aux objectifs et mécanismes de l’Accord de Paris, de sorte à prévenir autant que possible les effets dommageables pour la population des changements climatiques.

La loi climat prescrit non seulement la neutralité carbone d’ici à 2050, mais aussi les buts à atteindre par domaine d’activité, notamment pour les bâtiments, les transports ou encore l’industrie. Elle définit des étapes pour y parvenir et expose des mécanismes d’action pour respecter ces objectifs (réduction des émissions, émissions négatives, adaptation, flux financiers à faible carbone).

La cohérence climatique touchera un éventail d’autres lois

Au-delà de la réduction des émissions de CO2, la loi sur la protection du climat a pour avantage de considérer la crise climatique sous tous ses aspects et de manière transversale. Le succès de l’action climatique réside dans une approche concertée et coordonnée de toutes les activés susceptibles d’émettre ou de séquestrer les gaz à effet de serre.

Jusqu’à présent, les contradictions entre les lois et entre les politiques publiques ont sensiblement affaibli l’efficacité de l’action climatique. Pour que toutes tirent à la même corde, la loi sur la protection du climat consacre le principe légal de cohérence climatique. Elle exige que les lois sectorielles ayant une incidence climatique (notamment les législations sur l’énergie, l’environnement ou le transport) soient conçues, adaptées et appliquées de sorte à contribuer à l’accomplissement des objectifs climatiques.

Des nouveaux leviers juridiques d’action

D’autres nouveaux principes et instruments font également leur apparition dans la loi:

  • Le climat est l’affaire de tous. Si les collectivités publiques doivent se montrer exemplaires, les entreprises sont également appelées à contribuer à la protection du climat en visant également la neutralité carbone. Il en est de même de la place financière suisse qui est tenue d’apporter sa contribution à la réduction des émissions, en réduisant notamment l’effet climatique des flux financiers nationaux et internationaux.

  • Les effets des changements climatiques se font déjà sentir et vont s’intensifier à l’avenir. La loi charge alors la Confédération et les cantons de prendre les mesures pour s’adapter et prévenir les dommages climatiques, causés notamment par la hausse de la température, les événements extrêmes, ainsi que la modification de l’environnement ou du régime de précipitations.

  • Réduire les émissions de gaz à effet de serre ne suffira pas. Pour les émissions inévitables, par exemple issues de l’incinération des déchets, il s’agira de générer des «émissions négatives», autrement d’extraire le CO2 de l’atmosphère afin de l’immobiliser durablement dans des puits de carbone naturels (végétation, bois) ou artificiels (produits manufacturés à base de carbone). La Confédération et les cantons sont invités en ce sens à mettre à disposition des puits de carbone, la Confédération s’engageant à verser des aides financières pour favoriser les processus innovants.

La loi pour la protection du climat ne résout pas à elle seule les conséquences des changements climatiques, pas plus qu’elle ne permet de garantir directement que les engagements climatiques de la Suisse seront effectivement réalisés… à temps. Elle est toutefois indispensable pour y parvenir. Avec elle, la Suisse ne cherche pas à faire mieux ou à faire plus que les autres États. Elle se donne des règles du jeu pour que les changements climatiques affectent dans la moindre des mesures le bien-être de la population. Reste encore à les concrétiser et les suivre.