L'inaction climatique des Etats, un crime sans nom? [VIDEO]

Et si les plus grands criminels de ce monde n’étaient pas Ted Bundy ou Charlie Bronson? Et si les Etats méritaient aussi de passer au tribunal, pour leur inaction climatique? Mais encore faudrait-il définir leurs crimes. Un épisode de PopScience réalisé en collaboration avec Ma Thèse en 180 secondes, où Gaspard Lemaire (Université de Fribourg) nous détaille ses recherches.

«En 1992, aux Nations unies, plus de 150 Etats s’étaient engagés à empêcher toute modification dangereuse du climat. Trente ans après, on ne peut pas dire qu’ils aient rempli le contrat:

  • les émissions annuelles mondiales de CO2 ont augmenté de 80%
  • le niveau de la mer s’élève à un rythme qui a doublé depuis 1993

  • et le monde se dirige vers un réchauffement de 3°C au moins.

Si on continue, notre planète risque de devenir inhabitable. Le problème, c’est que les Etats, malgré leurs belles promesses, ne risquent pas grand-chose sur le plan légal. Des procès contre les états pour inaction climatique, on commence à en voir arriver. En Suède, en Finlande… et peut-être bientôt en Suisse, où le pays pourrait être condamné pour inaction climatique dans le procès des Aînées suisses pour la protection du climat.

Mais l’inaction climatique, c’est un peu vague. Ce qu’il faudrait, c’est donner un nom à ce crime pour le combattre efficacement. Dans le cadre de ma thèse, je démontre qu’il est urgent de criminaliser l’inaction climatique des États.

Un écocide?

Vous avez certainement déjà entendu parler d'écocide, la destruction criminelle d’un écosystème. Mais ce n'est pas le bon crime.  Les dommages climatiques ne touchent pas que les écosystèmes. Ils frappent aussi les infrastructures, les sites culturels. Bref, c'est nous qui sommes concernés.

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Un génocide?

Alors doit-on parler de génocide? Non plus. D'abord, il n'y a pas de projet d'extermination ou de persécution. Ensuite, le réchauffement climatique touche tous les humains, pas une communauté en particulier.

Un crime contre les générations futures?

Un crime contre les générations futures alors? Le temps passe si vite que nous commençons déjà à être confrontés aux premières conséquences du dérèglement climatique. L’inaction climatique, c’est en fait un “crime sans nom”.

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Non, un anthropocide

Ce crime, on peut l’appeler “anthropocide”. Anthropos, c’est l’être humain, en grec. Et caedere veut dire tuer, en latin. L’anthropocide désigne l’ensemble des actions et des omissions qui contribuent de façon significative au dérèglement du système climatique, et par suite à la destruction des fondements essentiels de la vie humaine sur Terre.

L'anthropocide, c’est donc le fait de porter préjudice à la communauté humaine dans sa globalité. Ce qui implique:

  • des destructions physiques,

  • des pertes économiques,

  • des dégâts culturels,

  • ainsi qu’une désorganisation des structures sociales et politiques,

  • et à terme, une déstabilisation géopolitique généralisée.

Le but de ma thèse, c’est d’imaginer les conditions pour qu’un Etat puisse être déclaré coupable d’anthropocide. Ça passe vite, 30 ans, et il nous reste malheureusement moins de trois décennies pour prévenir l’anthropocide qui vient.»